Des propos racistes émis par ce qui semble être le propriétaire des Clippers de Los Angeles Donald Sterling ont soulevé l'ire de la communauté noire américaine cette fin de semaine. Et la colère ne semble pas près de s'estomper.
Le site internet TMZ a dévoilé samedi un enregistrement audio venant d'un homme qui demande à son amie de cœur de ne pas être accompagnée par des gens de race noire aux matchs de l'équipe. L'homme en question serait Sterling.
Les dirigeants de la NBA ont annoncé qu'ils menaient une enquête.
Le propriétaire des Clippers, déjà accusé de discrimination et de comportement abusif dans le passé, est depuis la cible d'attaques tous azimuts.
L'ancienne vedette des Lakers de Los Angeles Magic Johnson, directement visé dans l'enregistrement, a annoncé sur Twitter qu'il n'assisterait à aucun match des Clippers tant que Sterling sera le propriétaire de l'équipe.
LeBron James, joueur étoile du Heat de Miami, a demandé au nouveau commissaire Adam Silver d'adopter des mesures énergiques. Il a ajouté qu'il « n'y a pas de place pour Donald Sterling dans la ligue ».
Silver s'est exprimé samedi soir à Memphis, avant le match des Grizzlies face à Oklahoma City. Il a répété que la NBA considérait que l'enregistrement était « préoccupant et offensant » et a ajouté que Sterling avait accepté de ne pas assister à la rencontre des Clippers, dimanche après-midi, à Golden State.
Afin d'exprimer leur colère, les Clippers sont sortis du tunnel pour le quatrième match de leur série de premier tour contre les Warriors en affichant leurs uniformes d'échauffement. Ils se sont regroupés au centre du terrain et ont lancé leurs survêtements au sol. Ils ont ensuite entamé leur échauffement d'avant-match avec leur camisole rouge des Clippers à l'envers, de façon à cacher le logo de l'équipe.
Les membres de l'équipe avaient contemplé la possibilité de boycotter ce match, mais ils ont rapidement rejeté l'idée, a confié l'entraîneur-chef Don Rivers.
« Je pense que la meilleure déclaration que nous pouvons faire en tant qu'hommes, pas hommes de race noire mais en tant qu'hommes, est de faire preuve de solidarité et de montrer à quel point ce groupe est fort, a confié Rivers. Ne pas se séparer. Ne pas quitter. C'est facile de protester. La protestation viendra de notre jeu. »
Les Clippers se sont inclinés 118-97.
L'authenticité à confirmer
Adam Silver a rappelé que la NBA doit confirmer l'authenticité de l'enregistrement audio et mener des entrevues avec Sterling et la femme dont la voix y est entendue. Les Clippers seront de retour à Los Angeles en vue du cinquième match de leur série, mardi soir.
« Tous les membres de la famille de la NBA devraient avoir le droit de bénéficier d'une procédure équitable et d'une opportunité juste de présenter leur version dans toute controverse, ce qui explique pourquoi je ne suis pas prêt à discuter de sanctions potentielles contre Donald Sterling, a déclaré le commissaire. Cependant, nous allons bouger extrêmement rapidement dans notre enquête. »
« Nous souhaitons avoir terminé le tout au cours des prochains jours », a-t-il expliqué.
Dans une déclaration officielle, le président des Clippers, Andy Roeser, a déclaré que l'équipe ignorait si l'enregistrement était authentique. Il a précisé que la femme entendue dans l'enregistrement, identifiée par TMZ comme étant V. Stiviano, « est la défenderesse dans une poursuite déposée par la famille Sterling prétendant qu'elle a détourné plus de 1,8 million de dollars, qui aurait dit à M. Sterling qu'elle aurait ''sa revanche'' ».
Roeser insiste également que l'enregistrement ne correspond pas aux croyances de Sterling. Il a ajouté que le propriétaire est « bouleversé et présente ses excuses à la suite de sentiments qui lui sont attribués » au sujet de Johnson, qu'il considère comme un ami de Sterling.
Dans l'enregistrement affiché sur le site de TMZ, l'homme remet en question les liens de son amie de cœur avec des gens issus des « minorités ». TMZ a rapporté que Stiviano, d'origine noire et mexicaine, avait affiché sur Instagram une photo d'elle-même avec Magic Johnson - qui a depuis été retirée.
L'homme a demandé à Stiviano de ne pas publiciser son association avec des gens de race noire ou de ne pas être accompagnée de gens de race noire aux matchs. Il fait une allusion particulière à Johnson dans l'enregistrement, disant de ne pas l'amener aux matchs de l'équipe.
Sterling, un propriétaire foncier, a acheté les Clippers en 1981.
Il s'est retrouvé au cœur de quelques poursuites au fil des ans, dont certaines l'accusaient de faire preuve de discrimination.
En novembre 2009, il a accepté de verser 2,73 millions $ après avoir été soupçonné par le gouvernement de refuser de louer des appartements à des citoyens d'origine hispanique et de race noire, ainsi qu'à des familles avec des enfants.
En mars 2011, il a gagné sa cause contre l'ancien directeur général Elgin Baylor, lorsqu'un jury a rejeté les accusations de harcèlement et de discrimination selon l'âge de la part de l'ancienne vedette de la NBA.
Baylor, qui était âgé de 76 ans à l'époque, réclamait environ 2 millions $, prétextant qu'il avait été forcé de quitter des fonctions qu'il occupait depuis 22 ans. Les Clippers ont affirmé que Baylor avait quitté de son propre chef, et le jury ne lui a rien accordé.
Des échos jusqu'à la Maison-Blanche
Les propos de Sterling ont même attiré l'attention de la Maison-Blanche.
« Lorsque des personnes ignorantes se vantent de leur ignorance, il n'y a pas grand chose à faire sinon de les laisser parler », a déclaré dimanche Barack Obama, le premier président afro-américain de l'histoire des États-Unis.
La National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), l'une des plus grandes associations de défense des droits civiques aux États-Unis, a quant à elle annoncé qu'elle ne remettrait pas à Sterling un prix pour l'ensemble de ses réalisations, contrairement à ce qui était prévu.
« Que cela soit bien clair, la NAACP ne remettra pas de prix à M. Sterling à Los Angeles et a demandé à son association de Los Angeles de prendre toutes les mesures pour annuler les distinctions qui lui ont été attribuées par le passé », a expliqué Lorraine C. Miller, présidente par interim de l'organisation.
« Les remarques attribuées à M. Sterling sont outrageantes et nous ont rappelé que le racisme était encore bien présent dans notre société à tous les niveaux socio-économiques (...) Si on se refère à l'adage ''Qui ne dit mot consent'', la pire chose que pourrait faire notre pays devant une telle ignorance serait de rester muet. Il faut se lever, parler et attirer l'attention sur un véritable problème », a-t-elle ajouté.