Le hasard fait parfois bien les choses. Je me questionnais depuis quelques jours sur les éliminations hâtives des équipes africaines dans ce mondial et voilà qu'attablé au restaurant La Fabrique à Copacabana, je vois Claude Leroy.
Après les présentations d'usage, il accepte volontiers de me parler. Claude Leroy est au football africain ce que Rimbaud est à la poésie, un orfèvre. Il a tour à tour entraîné les Lions indomptables du Cameroun, le Ghana, le Sénégal et maintenant le Congo. Quand je lui demande de me parler du parcours des équipes africaines dans ce mondial, il prend un temps pour réfléchir, comme si la portée de ses propos avait autant d'importance qu'une poésie qui devrait traverser l'histoire.
« Il est mitigé. Pour moi qui suis un amoureux des Lions indomptables parce que c'est là-bas que j'ai commencé ma carrière, l'image qu'a donnée le football africain est détestable et ne correspond pas à la réalité de ce football. Les discutions interminables, des primes, du manque à gagner... ce n'est pas cela le football africain.
« Si on ne règle pas les problèmes en amont, on va au-devant de gros problèmes avec des joueurs qui ne sont pas contents! Ils ont toujours l'Impression que l'on parle d'eux comme des enfants, c'est le terme en Afrique, alors que le plus souvent ce sont des pères de famille en charge eux-mêmes de l'éducation! »
Claude Leroy est un passionné de ce continent et il considère que ce type de relation est digne du 19e siècle. Il faut que les dirigeants africains grandissent en même temps que les joueurs.
« Ce qui me choque, c'est que le talent est là. Le Ghana par exemple, a fait 2-2 contre l'Allemagne qui est aujourd'hui en demi-finales. Cela veut dire que le niveau est là, mais après il faut une cohérence. Il faut garder des équipes vertébrées, structurées... Que dans le quotidien les choses soient simples, qu'on soit fédéraliste et surtout qu'Il y ait une discipline ».
Pour cet amoureux indéfectible de ce continent, tous les moyens sont bons pour faire avancer ses idées, car il faut convaincre au plus haut niveau. « L'autre jour, j'ai dit à Sepp Blatter (Le président de la FIFA) que si les pays, les gouvernements ne sont pas impliqués dans la gestion d'une équipe nationale, comment voulez-vous que les fédérations s'en sortent, elles n'ont pas d'argent! ».
Je lui demande ensuite pourquoi les équipes africaines ne vont pas plus loin? « C'est une excellente question! Avec tous ces problèmes dont je vous ai parlé, les équipes s'éloignent de leur but premier, elles manquent de jus, d'influx nerveux, perdent de la qualité. En fait, elles se concentrent sur des problèmes annexes, futiles et au bout du compte on a oublié l'essentiel qui est un match de football! ».
L'exposé de Claude Leroy aurait pu durer des heures tellement l'homme est un passionné de son sport, mais surtout de ce continent et il veut à tout prix conclure avec cette dernière phrase : « Je vais vous dire, la seule chose qui est fédératrice, le seul patrimoine national dans les pays d'Afrique, c'est l'équipe nationale »!.
Je demande tout de même à celui qui continue de voir aux destinées de l'équipe congolaise s'il n'aspire pas à d'autres choses? Il me dit spontanément : « Écoutez, ma femme est américaine et je rêve d'aller entraîner une équipe nord-américaine ».
Quand je lui demande pourquoi pas le Québec et l'Impact de Montréal, il me répond en toute franchise : « Ce n'est pas mon genre de demander un poste quand un entraîneur est déjà en place, mais j'aime bien le côté francophone de l'Amérique du Nord, je ne connais pas le Québec, mais je rêve d'y aller! D'autant plus quand je vois que la plupart des entraîneurs de mon âge sont demi-finalistes de cette Coupe du monde, je pense que ma carrière n'est pas complètement terminée! »
Un message envoyé directement à Joey Saputo par le biais de ma plume! Il ne pourra pas dire qu'il ne le savait pas! Je laisse partir cet homme généreux en me disant qu'il
pourrait un jour fédérer une équipe nationale canadienne qui en aurait bien besoin!
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