Les skieurs acrobatiques canadiens ont des fourmis dans les jambes depuis quelques semaines déjà. Et les quelques flocons qui ont virevolté dans le ciel de Montréal en fin d'après-midi, lundi, n'ont fait qu'amplifier leur envie d'amorcer la nouvelle saison.
Un texte de Manon Gilbert
Si les ambitions des athlètes pour cette année préolympique occupaient une bonne partie des discussions lors de la rencontre médiatique tenue au Stade olympique, l'absence de l'épreuve de bosses à la Coupe du monde de Val Saint-Côme a aussi beaucoup fait jaser.
Rappelons qu'à la mi-octobre l'Association canadienne de ski acrobatique (ACSA) a annoncé que, faute d'argent, la station de Lanaudière n'accueillerait plus que les sauts le 12 janvier et que la Coupe du monde de Calgary, deux semaines plus tard, ne présenterait plus maintenant qu'une seule compétition, les bosses.
Une vive déception pour le petit milieu de ski acrobatique, d'autant plus que 17 bosseurs sur les 22 de l'équipe nationale sont québécois.
Si plusieurs jeunes de l'équipe n'ont pas voulu se prononcer, le vétéran Alexandre Bilodeau, qui reprend le collier après une quasi-année sabbatique, s'est montré aussi tranchant que ses carres. Il déplore la perte de visibilité pour ses jeunes coéquipiers.
« Il y a beaucoup d'athlètes qui ont des commanditaires locaux et leur seule visibilité, c'est ici. C'est la seule fois que leurs commanditaires peuvent les voir sur la piste, c'est ici.
« Je ne sais pas si tout a été fait à l'Association pour que ça fonctionne. En fait, je ne sais pas si c'est la bonne équipe marketing qu'on a à l'Association. Mais selon moi, il a des têtes qui doivent rouler. Dans le monde des affaires, quand il n'y a pas de résultats, c'est comme ça que ça fonctionne. Malheureusement, ce n'est pas ça qu'on voit présentement », a déclaré le champion olympique, aussi étudiant en gestion et finance à l'Université Concordia.
Durant les quatre jours de tests physiques et rencontres de l'équipe nationale à Montréal, Bilodeau et ses coéquipiers ne se sont pas gênés pour demander des comptes sur la gestion de la crise à Peter Judge, président de l'ACSA.
« C'est sûr qu'on passe le message à l'association quand on n'est pas satisfaits de leur travail. Il doit y avoir des choses qui changent. Ils travaillent dans le même sens que nous, mais est-ce qu'ils travaillent bien? Je ne suis pas sûr », a poursuivi le Rosemérois de 25 ans.
Bilodeau assure que les athlètes ne sont pas partis en croisade contre leur association comme ce fut le cas au début des années 2000.
Pris de court
Interrogé sur la question, Peter Judge soutient que l'ACSA n'avait pas le choix. En annulant l'épreuve de bosses au Québec, l'ACSA a économisé entre 180 000 et 200 000 $.
Il faut savoir que l'ACSA dépense 50 000 $ en bourses, 40 000 $ pour l'alimentation télé, sans compter la majeure partie de la prise en charge des équipes qui ne défraient que 50 francs suisses (52,75 $CA) par jour pour leurs dépenses.
« Jusqu'à la mi-juillet, on croyait pouvoir encore compter sur Postes Canada (NDLR : partenaire des 12 dernières années) et RBC. Ils nous disaient que ça regardait bien pour le renouvellement de la commandite. Mais quelqu'un dans les hautes sphères a dit non et nous avons été pris de court », a expliqué M. Judge.
L'ACSA a aussi vu Bell Canada tirer sa révérence pour des pertes totales de 1,4 million. Tellement que l'équipe n'a plus aucun commanditaire sur son manteau, à part le nom de l'équipementier Columbia.
Dur coup pour une association qui a vu ses athlètes décrocher 8 des 12 titres mondiaux à l'enjeu en 2011 et remporter les globes de cristal en bosses et en sauts chez les hommes la saison dernière.
Entre 15 000 et 20 000 $ par saison
Ce manque à gagner fait en sorte que l'ACSA n'assume toutes les dépenses que des membres de l'équipe A. Ceux des équipes B et C n'ont rien à débourser pour leur camp d'entraînement, mais ils doivent maintenant sortir de l'argent de leurs poches pour leurs compétitions en Coupe du monde. Une facture qui oscillera entre 15 000 et 20 000 $ par saison pour Maxime Dufour-Lapointe, l'aînée du clan, Cédric Rochon ou autre Simon Pouliot-Cavanagh.
Pourtant, point de Coupes du monde, point de passage dans l'équipe A.
« Heureusement, je peux compter sur plusieurs fondations comme la Fondation des Nordiques, la Fondation de l'athlète d'excellence du Québec et la Fondation Cascade. J'ai aussi un commanditaire personnel, Performance Bégin (une boutique de skis et de vélos), qui me soutient depuis que je suis tout jeune. Sans eux, ce serait difficile de continuer », affirme Simon Pouliot-Cavanagh qui revient à la compétition après une année passée à soigner une déchirure au ligament collatéral médial.
Bilodeau, lui, prétend qu'à un an et demi des Jeux olympiques de Sotchi, l'ACSA aurait pu faire un emprunt.
« Le conseil d'administration a demandé un budget équilibré. Ce n'est pas que l'Association n'a pas d'argent, ils veulent un budget équilibré. Il y a peut-être une perte de confiance dans tout ça. »
Bilodeau, comme Peter Judge, a bon espoir qu'une épreuve de bosses reviendra au Québec en 2014. Sauf qu'en attendant, l'étudiant en gestion et finance en Bilodeau digère mal qu'on ait laissé tomber ses jeunes coéquipiers, surtout qu'il avait des pistes de solutions à proposer.
Pour l'instant, avec l'entraînement, les compétitions et ses obligations, Bilodeau n'a pas le temps de s'en mêler. Mais dans un an et demi, après les Jeux de Sotchi, comptez sur le nouveau retraité pour explorer de nouvelles avenues.
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